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C comme Chambre de l’instruction

Par   /   1 février 2013  /  


Par Benjamin Chouai, Avocat à la Cour

Méconnue du grand public et pourtant très pratiquée, la chambre de l’instruction est (en théorie) censée garantir le bon fonctionnement de la justice pénale au travers des divers contrôles qu’elle opère sur ses différents acteurs.

Anciennement dénommée « chambre d’accusation » (les mots laissant alors peu de place au doute quant à la culpabilité du mis en cause)[1], la chambre de l’instruction constitue une section de la cour d’appel composé d’au moins trois magistrats du siège.

A titre principal, elle constitue l’unique juridiction d’instruction du second degré.[2]

C’est devant cette juridiction qu’on forme appel à l’encontre des ordonnances rendues tant par le juge d’instruction que par le Juge des libertés et de la détention.

En somme, c’est devant la chambre de l’instruction qu’il est permis de contester les décisions rendues au cours d’une instruction.

A ce titre, elle contrôle la validité des actes de l’instruction préparatoire et est en charge du contentieux de la détention provisoire et du contrôle judiciaire.

Elle connaît par exemple des contestations d’une décision de placement ou de prolongation en détention provisoire, des demandes de nullité d’une écoute téléphonique, d’une perquisition ou d’une saisie, des demandes de restitution d’un véhicule saisi à laquelle le juge d’instruction s’oppose, ou encore des demandes de reconstitution ou d’expertise balistique complémentaire refusées par le juge d’instruction.

Pour toutes ces demandes, c’est à cette chambre qu’il faut s’adresser, sous les réserves pratiques qui seront évoquées ci-après.

La chambre de l’instruction contrôle en outre l’activité des officiers et agents de police judiciaire.[3]

Elle dispose enfin de certaines compétences sans rapport avec l’instruction,  en matière notamment d’extradition, de réhabilitation ou encore d’interprétation de l’application des lois d’amnistie.

La chambre de l’instruction joue donc d’un rôle prépondérant dans le système pénal français puisqu’elle est censée garantir le réexamen objectif des décisions prises en 1ère instance par le juge d’instruction et/ou le juge des libertés et de la détention.

Son fonctionnement demeure sujet à de nombreuses controverses.

La chambre de l’instruction, « chambre de confirmation » :

C’est ainsi que le rapport de la commission d’enquête parlementaire chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau présentait en 2006 cette juridiction particulière.[4] 

Le rapport soulignait l’ensemble des dysfonctionnements de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Douai (seule concernée dans cette fameuse affaire mais qu’on peut du reste généraliser aux autres juridictions du territoire) : absence de culture de contrôle, bureaucratie/suivisme judiciaires, copié/collé, rejet systématique des demandes de mise en liberté…

Malgré diverses propositions formulées par la commission d’enquête pour éviter le renouvellement des erreurs d’Outreau[5], rien de notable n’a été entrepris à ce jour.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris en accusation :

Mi- décembre 2012, plus de cent avocats ont mis en accusation la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris via une pétition relayée par le quotidien Libération.

A juste titre, ils constataient que les décisions de placement et/ou de prolongation de détention provisoire étaient quasi systématiquement confirmées.

Autrement dit, c’est bien la détention qui est la règle devant la chambre de l’instruction.

Malgré l’absence de chiffres officiels en la matière, les praticiens savent pertinemment que l’appel d’une décision de placement en détention provisoire n’a que très peu (voire pas) de chances d’aboutir favorablement devant cette juridiction.

Plaider devant une chambre de l’instruction se révèle déconcertant : pire qu’ailleurs, on a souvent le sentiment désagréable d’y perdre son temps et sa salive tant la connivence entre le Parquet et les magistrats semble évidente, les seconds suivant très majoritairement l’analyse du premier.

Bien évidemment, les magistrats n’ont guère apprécié l’initiative de cette pétition pourtant justifiée.

Très rapidement, l’Union syndicale des magistrats (USM), syndicat majoritaire de la profession, a cru devoir dénoncer «des pressions sur la justice qui rappellent, à front renversé, celles exercées ces dernières années par certains syndicats de policiers», qui ont parfois critiqué le supposé laxisme des magistrats.

C’est pourtant vers la réforme de cette juridiction qui n’en est plus une qu’il faut tendre de toute urgence :

- rendre la liberté prioritaire car elle n’est plus respectée, faire d’elle la règle et de la détention l’exception,

- donner les moyens aux chambres de l’instruction de se pencher pleinement sur les dossiers via un renforcement de leurs effectifs et moyens,

- redonner toute leur place aux droits de la défense,

- assurer la publicité des audiences, et non plus comme à Paris faire du huis clos la règle.

A défaut d’évolution en ce sens, cette juridiction demeurera une chambre d’enregistrement.

Benjamin Chouai

Avocat au Barreau de Paris


[1] Loi n°2000-516 du 15 juin 2000, art. 83, entrée en vigueur le 1er janvier 2001 ;

[2] Art. 191 et suivants du Code de procédure pénale ;

[3] Article 13 du Code de procédure pénale ;

[5] Droit pénal n° 7, juillet 2006, alerte 27 ;

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