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M comme Motivation

Par   /   20 février 2013  /  


Par Alexis Bavitot, Doctorant en Droit -

Définition de la motivation. On entend par la motivation des décisions judiciaires, l’argumentation développée par les magistrats dans les jugements ou arrêts pour justifier l’innocence ou la culpabilité d’une personne.

Intérêt de la motivation. La motivation des décisions judiciaires relève de la justification et donc de la rhétorique. La motivation sert à obtenir l’adhésion d’un auditoire. Mais l’adhésion n’est pas la recherche de la vérité. La motivation sert donc au juge pour convaincre et se convaincre. Elle n’est pas une démonstration absolue d’une culpabilité ou d’une innocence.

Si elle n’est pas une démonstration de la vérité, l’obligation de rendre compte par écrit des raisons de leurs décisions est néanmoins imposée aux juges pour permettre de prévenir tout arbitraire. Ainsi, les motivations doivent être suffisamment précises et s’appuyer sur des éléments de preuve justifiant la déclaration de culpabilité. Le jugement de condamnation doit, sous peine de nullité, constater tous les éléments constitutifs de l’infraction (Cass. crim. 23 janv.  2001).

Par ailleurs, c’est en raison de l’atteinte aux droits fondamentaux que la loi peut imposer une motivation renforcée particulière. Tel est le cas en matière de détention provisoire (loi du 5 mars 2007), d’emprisonnement sans sursis (article 132-19 du Code pénal), de récidive (loi du 12 décembre 2005) et d’interdiction du territoire (article 131-30-1 du Code pénal). Dans les autres cas, le juge n’est pas tenu de motiver une peine attachée à la déclaration de culpabilité (Cass. Crim. 19 oct. 2004).

Motivation et droits de la défense. Toute chambre de l’instruction et tout tribunal est tenu de répondre dans les arrêts et jugements aux éléments apportés par la défense. La présence de motifs complets est indispensable à la Cour de cassation pour exercer son contrôle et reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif. Le défaut ou la contradiction de motifs constitue donc un cas de pourvoi en cassation.

Les juges apprécient souverainement les éléments de preuve qui leur sont soumis et se décident selon leur intime conviction. En effet, si la motivation est une garantie contre l’arbitraire, elle permet néanmoins de conserver tant le pouvoir discrétionnaire que l’appréciation d’opportunité. Cependant, cette liberté du juge est limitée par les faits constatés dans la décision judicaire. Ainsi, l’existence d’un doute ne peut pas permettre de motiver une décision de relaxe si les juges ont reconnu de fortes charges de culpabilité (Cass. Crim. 3 février 1992).

Demeure en matière de motivation une pratique des tribunaux limitant l’exercice de la présomption d’innocence. Dans une recherche de célérité de la justice, il est habituel de rédiger la motivation des jugements correctionnels qu’après le délibéré, seulement dans le cas où le prévenu interjetterait appel. Ainsi, au moment où le justiciable forme son recours, il ne connait toujours pas la motivation du premier jugement. Mais si, en droit interne, les dispositions de l’article 486, alinéa 2, du Code de procédure pénale (qui imposent la rédaction de la minute dans les trois jours du prononcé du jugement), ne sont pas prescrites à peine de nullité, la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt Baucher contre France, a fermement condamné cette pratique (CEDH 24 juillet 2007).

Un droit à la motivation ? L’obligation de motivation est prévue par les articles 485 et 593 du Code de procédure pénale. Cette obligation est reconnue comme un droit à valeur constitutionnelle dont bénéficie tout justiciable (DC 18 janvier 1985). Malgré le fait que la Convention européenne des droits de l’homme -C.E.D.H.- soit muette sur la question, la Cour a consacré ce droit au titre de l’article 6 § 1 de la Convention, tout en précisant que « son étendue peut varier selon la nature de la décision » (CEDH 9 décembre 1994, Ruiz Torija et Hiro Balani c/ Espagne).

Pendant longtemps, les Cours d’assises, émanations du peuple souverain, ne motivaient pas leurs décisions. La loi du 10 août 2011 est revenue sur cette solution sous l’impulsion de la C.E.D.H. A partir de notre définition de la motivation, nous ne pouvons que saluer ce revirement. En effet, l’obligation de motiver les décisions d’Assises préserve la liberté d’appréciation consacrée par la notion d’intime conviction. Mais cette liberté ne pouvait pas davantage justifier l’absence de description des principaux éléments à charge qui fondent une décision. Les arrêts des Cours d’assises doivent ainsi impérativement rendre compte des considérations de fait qui ont convaincu de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé et indiquer les raisons concrètes pour lesquelles il a été répondu positivement ou négativement à chacune des questions.

Parce que motiver c’est justifier, en aucun cas démontrer.

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