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P comme Perquisition

Par   /   26 avril 2013  /  


Par Eric Dezeuze et Guillaume Pellegrin, Avocats à la Cour - 

Les amateurs de séries télévisées anglo-saxonnes sont friands de ces scènes où un groupe de policiers franchit d’autorité le seuil d’un appartement (le cas échéant à l’aide d’un bélier) en brandissant aux récalcitrants le fameux « mandat de perquisition ».

La procédure française étant sensiblement différente, il est inutile d’exiger d’un policier français la production d’un tel mandat, ce dont ne sont pas toujours conscients les mis en cause – ou les scénaristes peu scrupuleux en matière de procédure pénale.

Cela ne signifie pas que la personne visée par une mesure de perquisition ne bénéficie pas d’un certain nombre de droits. Ceux-ci sont souvent méconnus à raison de leur technicité, notamment en ce qu’ils diffèrent selon le régime procédural de l’enquête concernée, et qu’ils sont par ailleurs assortis de très nombreuses exceptions à la mise en œuvre parfois complexe.

Les quelques questions suivantes tenteront de résumer les principales interrogations habituelles à ce sujet.

Que peut-on perquisitionner ?

La perquisition s’applique de façon générale à tout « lieu », qu’il soit clos (ce qui inclut par exemple un domicile, un local, un bureau, une chambre d’hôtel, ou encore une salle de coffres) ouvert (café, restaurant, boutique) ou mixte (incluant des lieux clos et des lieux ouverts). Des règles spéciales – autorisations préalables, présence de représentants ou d’autorités désignées – s’appliquent toutefois à certains lieux dits « protégés », car il peut s’y trouver des informations ou des éléments soumis à un secret spécifique : c’est le cas, notamment, du cabinet ou du domicile d’un avocat, des locaux de l’Ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, des cabinets de médecin, de notaire, d’avoué ou d’huissier ou encore des locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle et des divers endroits couverts par le secret défense.

Les visites de véhicules (on ne parle pas dans ce cas de perquisition stricto sensu, sauf à ce que le véhicule, caravane ou camping car, soit spécifiquement assimilé à un domicile) relèvent d’un régime différent, et peuvent notamment  intervenir soit à raison d’une mesure générale décidée par le Procureur de la République (barrage ou contrôle organisé), soit, de façon ponctuelle, à l’initiative de tout policier ou gendarme en cas de soupçon par ce dernier de crime ou délit flagrant. Les agents des douanes disposent également de pouvoirs spécifiques en la matière.

Peut-on perquisitionner sans l’accord de la personne concernée ?

Dans le cadre d’une enquête dite de « flagrance », c’est-à-dire des investigations policières réalisées soit dans le cadre d’un crime ou délit flagrant (personne interpellée sur place, désignée par la « clameur publique » ou trouvée en possession d’objets, traces ou indices suspects), soit moins de 8 jours après la commission des faits (16 pour les crimes et délits les plus graves), la perquisition peut être réalisée sans l’accord de la personne concernée. Elle intervient sous la seule autorité de l’officier de police judiciaire (« OPJ ») compétent, sauf situations particulières nécessitant l’autorisation préalable du Procureur de la République.

Dans le cadre d’une enquête dite « préliminaire » (soit en dehors des cas de flagrance), la perquisition doit être réalisée avec l’accord de la personne concernée, recueilli par écrit (accord des parents pour un intéressé mineur). Pour les crimes ou certains délits graves, il peut être passé outre cet accord par l’obtention d’une autorisation du Juge des Libertés et de la Détention (« JLD »), cette autorisation étant toutefois strictement encadrée et limitée dans son objet (la perquisition devant avoir pour objet uniquement la recherche d’éléments correspondant à une infraction prédéterminée).

La perquisition menée par un juge d’instruction ou en exécution d’une commission rogatoire de ce dernier ne nécessite pas non plus l’accord de la personne perquisitionnée, mais suit un régime spécifique, distinct selon que la perquisition intervient au domicile du mis en examen ou dans un autre lieu.

Dans tous les cas, la personne concernée est invitée à être présente, ou à désigner un représentant ; à défaut, l’OPJ ou le Juge responsable devront désigner deux témoins, qui ne peuvent pas être des policiers ou des fonctionnaires de justice (en pratique, il s’agira de « parents ou alliés », de voisins, d’employés, voire même de simples passants). En matière de criminalité organisée, la présence de la personne concernée peut être exclue, pour diverses raisons de sécurité ou pour les besoins de l’enquête.

A quelle heure peut intervenir une perquisition ?

Théoriquement, une perquisition ne peut pas commencer avant 6h ou après 21h, peu important que la personne concernée donne ou non son autorisation. Elle peut toutefois se prolonger en dehors de cette plage horaire, pour peu qu’elle ait commencé aux heures exigées, ou que les enquêteurs se soient trouvés sur place pour une autre cause (c’est la distinction entre la pénétration dans les lieux et la perquisition).

Cette règle connaît de nombreuses exceptions, les perquisitions nocturnes pouvant notamment être autorisées :

-     en cas d’état de siège ou d’état d’urgence, situations qui ne sont pas purement anecdotiques, l’état d’urgence ayant par exemple été décrété entre novembre 2005 et janvier 2006 à la suite des émeutes des banlieues ;

-     en matière de proxénétisme, de traite d’êtres humains et prostitution des mineurs, ou pour toute association de malfaiteurs aux fins de préparer ces infractions, à l’intérieur de tout hôtel, maison meublée, pension, débit de boissons, club, cercle, dancing, lieu de spectacles et leurs annexes et en tout autre lieu ouvert au public ou utilisé par le public lorsqu’il est constaté que des personnes s’y livrant habituellement à la prostitution y sont reçues ;

-     en matière de trafic de stupéfiants, dans les locaux où l’on use en société de stupéfiants ou dans lesquels sont fabriqués, transformés ou entreposés illicitement des stupéfiants lorsqu’il ne s’agit pas de locaux d’habitation ;

-     en matière de criminalité organisée (soit en pratique tous les crimes et délits les plus graves commis en bande organisée), et sur autorisation préalable du JLD, en tout lieu, sauf local d’habitation en matière d’enquête préliminaire ou d’information judiciaire (les locaux d’habitation pouvant néanmoins être inclus dans certains cas spécifiques).

En pratique, la recherche d’un effet de surprise propice aux découvertes ou aux révélations conduit les enquêteurs à privilégier les perquisitions matinales, souvent dès 6h précises…

Que peut-on saisir à l’occasion d’une perquisition ?

Théoriquement, tous objets, documents ou données informatiques (ainsi qu’un animal, considéré juridiquement comme une chose) sont susceptibles d’être saisis, l’appréciation de l’opportunité d’une telle saisie étant laissée à l’OPJ ou au Juge responsable dans la seule perspective de la « manifestation de la vérité », sauf perquisitions spécifiques destinées à rechercher des objets ou documents particuliers. Les objets, documents ou données finalement inutiles à l’enquête pourront être restitués dans un second temps.

Par ailleurs, divers objets peuvent être saisis non pas directement pour les nécessités de l’enquête, mais dans la perspective d’une confiscation ultérieure au sens de l’article 131-21 du Code pénal. A ce titre, selon l’infraction concernée, pourront être saisis les objets ayant servi à commettre l’infraction, le produit direct ou indirect de l’infraction, voire même tout objet de valeur s’agissant de certaines infractions spécifiques (c’est le cas par exemple en matière de blanchiment).

Dans l’hypothèse d’autorisations spécifiques (accordées par exemple par le JLD), les recherches ne peuvent être guidées que par la recherche et la constatation des infractions concernées : elles seront donc ciblées sur ces éléments. Néanmoins, la découverte d’éléments manifestement illicites (armes, stupéfiants, etc.) peut donner lieu à des procédures incidentes justifiant également leur saisie.

Peut-on contester une perquisition ou une saisie ?

La perquisition et les saisies éventuelles donnent lieu à l’établissement de procès-verbaux figurant au dossier, et donc ultérieurement accessibles, ce qui permettra, a posteriori, d’examiner leur éventuelle irrégularité.

En théorie, le non-respect des règles légales régissant la perquisition pourrait donner lieu, d’une part, à l’engagement de poursuites à l’encontre de l’officier de police judiciaire concerné pour violation de domicile au sens de l’article 432-8 du Code pénal et, d’autre part, à une action en responsabilité civile contre l’État.

En pratique, la sanction d’illégalités entachant la perquisition ou la saisie réside le plus souvent dans la nullité des actes de perquisition (et le cas échéant, des actes subséquents) et/ou de saisie, prononcée par la juridiction pénale saisie de cette question. Ces nullités supposent toutefois la démonstration préalable d’un grief, c’est-à-dire d’un préjudice subi par la personne concernée.

S’agissant des dégradations éventuellement commises lors d’une perquisition (en particulier du cas récurrent de la porte enfoncée pour les besoins de la perquisition, même s’il est bien plus habituel en la matière que celle-ci soit ouverte volontairement ou par un serrurier), un remboursement ne pourra intervenir qu’au profit d’un tiers de bonne foi, ce qui exclut la personne mise en cause. Ce sera par exemple le cas d’un propriétaire qui réclamera le remboursement de frais de remise en état de la porte enfoncée pour perquisitionner son locataire, seul concerné par la mesure. Pour éviter les méandres de la procédure légale d’indemnisation, la direction des services judiciaires du Ministère de la Justice peut, sous certaines conditions, proposer un règlement amiable lorsqu’elle est saisie d’une demande en ce sens.

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