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R comme Récidive

Par   /   5 juin 2013  /  


Par Sophie Sarre, Avocat à la Cour -

La Conférence de consensus qui a rendu le 20 février dernier un rapport au Premier Ministre préconisant de nouvelles solutions pour une politique publique innovante en matière de récidive, portait doublement bien son nom.

Consensus d’abord pour dire, quel que soit le parcours ou les orientations politiques des membres qui en composaient le jury, à quel point les avis se rejoignent sur la nécessité de privilégier la réinsertion, seul gage d’une diminution effective du risque de récidive d’un délinquant (et sur ce point chaque praticien du droit quel que soit son bord politique apprécie à sa juste valeur les actuelles déclarations d’une ancienne Garde des Sceaux sur le caractère incontournable des politiques de réinsertion, alors qu’elle n’a eu de cesse de porter avec ferveur de nouvelles lois axées sur le tout répressif).

Consensus ensuite, parce que les décideurs politiques savent combien cette thématique de la récidive, favorisée par une médiatisation intense de faits divers dramatiques, fait réagir l’opinion publique, rend les débats périlleux et les décisions politiques innovantes peu probables : aucune mesure ne sera donc prise et c’est bien ce qui est dit ici, sans faire l’objet d’un large consensus.

Il existe un paradoxe fort dans cette France pour qui le châtiment dans son caractère exemplaire voire spectaculaire reste une nécessité (sans la prison il ne peut y avoir de vraie sanction) et le constat que presque tout le monde partage sur l’état de nos prisons et le caractère criminogène de la détention. Hors la prison point de salut dit l’opinion sous le coup de la colère tout en sachant que c’est hors de la prison ou en tous les cas en modulant le passage entre détention et liberté que l’on obtient les meilleurs résultats.

Mais les clichés ont la vie dure. Les annonces récentes de l’augmentation des taux de récidive les confortent alors même que sur ce thème, tout est confusion.

C’est ainsi qu’il faut rappeler que la récidive qui est une notion juridique précise, définie légalement comme le fait de commettre une infraction identique ou de même nature dans un délai de 5 ans après la première condamnation, est médiatiquement confondue avec la notion de réitération qui implique elle une simple répétition de faits délinquants. N’est ainsi pas récidiviste celui qui, connu comme un voleur d’habitude, va un jour commettre une infraction contre les personnes et ce pour la première fois. Pourtant il sera souvent vu médiatiquement parlant comme un récidiviste que l’institution judiciaire aurait du appréhender sous sa dimension de violence alors même qu’aux yeux de la justice, elle n’existait pas. De même le récidiviste n’est il pas nécessairement un ancien détenu qu’on aurait relâché  dans de mauvaises conditions. Dit comme cela, ça parait évident mais parfois en entendant les informations, on a comme un doute.

C’est ainsi qu’il faut rappeler aussi en matière de chiffres, que plus les infractions sont graves et plus le risque de récidive est faible : 6% pour les crimes, 5% pour les délits sexuels, mais 17 % pour les vols et 16% pour les infractions relatives à l’alcool au volant (chiffres du Ministère de l’intérieur 2010). Que les mineurs sont beaucoup plus exposés au risque de récidive ( les 3/4 des mineurs condamnés le sont à nouveau dans les 5 ans) et que les détenus le sont aussi puisque près de 60% des anciens détenus sont à nouveau condamnés dans les 5 ans.

On le voit, le débat public sur la récidive est complètement faussé par la loupe médiatique distordante : la réalité de la récidive concerne majoritairement des personnes en proie à des difficultés de socialisation (familiales et professionnelles) qui parce qu’elles récidivent sont en situation d’être condamnées à des peines de détention qui ne sont pas les plus lourdes donc qui seront peu accompagnées de mesures garantissant une sortie de détention réfléchie, construites autour d’un projet impliquant proches et emploi et de ce simple fait ces mêmes personnes seront ensuite et à nouveau plus exposées au risque de récidive sans que cela soit “visible”  alors que la discussion publique est presque totalement confisquée par la peur du multirécidiviste souvent réduit à la dimension spectaculaire du prédateur sexuel.

Pourtant et en dépit du peu d’études qui ont été réalisées sur la récidive (encore un constat de la Conférence de consensus, tant de polémique et si peu d’études) l’on sait que le taux de retour en prison dans les 5 ans de la sortie chute de plus de 60% à seulement 23% lorsque le détenu a bénéficié d’une sortie conditionnelle, organisant un sas entre sortie sèche (sans aucune mesure d’accompagnement) et liberté. Et l’on sait aussi que le recours au dispositif du bracelet électronique est efficace dès lors qu’il établit une surveillance à distance de celui qui a enfreint la règle de vie en société.

Cette réflexion est d’autant plus à mener en période de restriction budgétaire quand on sait qu’une journée de détention coute entre 80 et 200 euros (selon que l’on est  incarcéré en maison d’arrêt ou en centrale) quand une journée de bracelet électronique coute à la collectivité moins de 11 euros et une journée de semi liberté 60.

Puisque la récidive pose à la Société la question de la nécessaire lutte contre l’existence de parcours de vie carcéraux –  question qui est tout à fait distincte de celle du contrôle des risques que pose l’existence de certains délinquants multirécidivistes – puisque les lois répressives votées sous la législature précédente se heurtent à la réalité de leur manifeste inefficacité, il est surement temps, maintenant que les citoyens lambda ont approché d’un peu plus près la réalité de la prison via l’explosion du nombre de procédures engagées, la multiplication des gardes à vue, le durcissement de la répression des infractions routières et l’information sur la situation des prisons françaises  entre autres, de penser autrement qu’en termes d’enfermement la répression des infractions.

La Conférence de consensus propose que la notion de peine sèche sans accompagnement disparaisse, qu’une peine de probation alternative à l’emprisonnement soit créée, que le Juge et non plus la Loi soit à nouveau placé au centre de la prise de décision pour une juste personnalisation des peines, gage d’une meilleure réinsertion dans la durée.

S’il faut pour cela que nous ayons plus de Juges et moins de cellules et que les conditions de travail actuellement très difficiles des Services d’insertion et de probation soient revues à la hausse, alors fonçons : au delà des ambitions qu’il est facile d’avoir pour une politique pénale plus efficace pour tous, j’ai cru comprendre que cela couterait beaucoup moins cher.

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