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La politique carcérale du gouvernement risque-t-elle d’inciter à la violence ?

Par   /   11 février 2013  /  


Au 1er janvier 2013, la population carcérale française s’élevait au-dessus des 66 572 détenus pour 56 992 places opérationnelles, soit un taux d’occupation d’environ 116,81 %. Environ un quart d’entre eux sont en attente de jugement ou d’appel.

Le député socialiste Dominique Raimbourg a présenté le 23 janvier dernier à la commission des lois de l’Assemblée Nationale 76 « mesures » pour lutter contre la surpopulation carcérale.

Dans son rapport, Dominique Raimbourg souhaite « faire véritablement de l’emprisonnement le dernier recours en matière de correctionnelle », comme le veut la loi pénitentiaire de 2009. Ainsi, outre l’abolition des peines plancher, le député suggère par exemple d’ « évaluer l’utilité de la pénalisation » des comportements agressifs, qui pourraient être remplacée par des peines alternatives, voire de fortes amendes. Plus radical encore, le député propose un numerus clausus. L’objectif étant de faire sortir plus tôt les condamnés en fin de peine, afin que les prisons n’accueillent pas plus de détenus qu’il n’y a de places.

Sébastien Huygue, député UMP, émet une opinion divergente. Ce dernier établit un lien mécanique entre déflation carcérale et hausse de la délinquance et va jusqu’à prédire des « conséquences terribles en terme de criminalité » si le nombre de détenus venait à diminuer. Selon lui, une politique visant à réduire la population détenue dans les prisons françaises ne peut que conduire à « l’aggravation d’un sentiment d’impunité et de laxisme dans notre pays ». Pour étayer ses propos il s’appuie sur des exemples historiques :

« L’actuelle majorité avait payé chèrement son déni face à l’insécurité et le manque de sévérité de la justice en 2002. Ainsi, l’inexécution des peines prononcées, notamment des peines de prison, avait atteint un sommet en 2001, que de nombreuses organisations, notamment syndicales, avaient dénoncé. Il convient également de rappeler qu’à cette époque, la déflation carcérale avait conduit à une explosion de la délinquance, et que l’on avait pris l’habitude de parler « d’incivilités » face à des actes graves, notamment l’explosion des violences physiques aux personnes. »

Sébastien Huyghe dit-il vrai ?

Vrai : Les chiffres avancés

En 2001, la population carcérale a effectivement baissé de façon significative. Sur la même période, les faits de violence augmentent, tout particulièrement les violences physiques aux personnes, comme l’affirme Sébastien Huyghe.

Faux : L’interprétation des données

Il n’y a aucune étude, aucun lien évident entre la baisse de la population carcérale et la hausse des violences. Rien ne suggère qu’une diminution du nombre de personnes incarcérées entraîne mécaniquement une hausse de la violence.

Les chiffres des violences aux personnes montrent une augmentation. Cela ne signifie pas pour autant une hausse de l’insécurité ou de la criminalité. Ces chiffres ne représentent pas la violence effective mais le nombre de plaintes déposées auprès de la police et de la gendarmerie. Or, la police de proximité mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin à partir de 1998 a eu pour effet de générer des plaintes jusque-là non déclarées. Ceci peut expliquer en partie l’augmentation chiffrée de la violence qui ne correspond pas nécessairement à une augmentation réelle de l’insécurité.

Par ailleurs, le député UMP explique la stabilisation de la violence qui s’opère en 2002 par le retour de la droite au pouvoir. Ce changement peut également s’expliquer par le durcissement sécuritaire consécutif aux attentats du 11 septembre. Le renforcement du plan Vigipirate s’est traduit par la multiplication et l’intensification des patrouilles et une présence accrue de l’armée dans les lieux publics. La présence policière a été accentuée au niveau des transports en commun, lieux de culte, lieux publics, rassemblements et manifestations publiques etc…

Comment expliquer l’analyse du député Sébastien Huyghe ?

Deux conceptions sur la place à donner à la prison dans la société s’affrontent : celle des socialistes, illustrée par les propositions du député PS Dominique Raimbourg et la conception de l’opposition illustrée par le député UMP Sébastien Huyghe lui-même. Ce dernier penche pour un durcissement des peines infligées aux récidivistes, la construction de nouvelles prisons en France et souhaite éviter les mesures visant à réduire le nombre de détenus par crainte d’une augmentation de la criminalité.

Sébastien Huyghe se montre particulièrement critique quant à la politique pénitentiaire de la gauche, de Lionel Jospin à François Hollande. Il utilise, pour servir son propos des données et des chiffres sans en nuancer la portée et sans précautions particulières. Que cette négligence soit volontaire ou non, le député cherche par ce biais, à illustrer « scientifiquement » une certaine conception idéologique sur le rôle des prisons et l’impact de la politique pénitentiaire sur la délinquance.

Amandine Debaere

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