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La prison prévient-elle la récidive ?

Par   /   25 février 2013  /  


Levée de boucliers des partisans du tout-carcéral alors que la conférence sur la prévention de la récidive envisage des alternatives à la prison. Dans un contre-rapport, Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République, fustige le laxisme de la gauche et lui oppose « l’impunité zéro pour les délinquants ». Explications.

Mercredi 20 février, la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, établie par la Garde des Sceaux Christiane Taubira en septembre dernier, remet son rapport. Fruit de cinq mois de réflexion, celui-ci contient une série de recommandations portant sur des alternatives à la prison.

Une telle réflexion suscite inévitablement une levée de boucliers de la part des partisans d’une justice plus dissuasive que préventive. Parmi eux, Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la République qui remet symboliquement un contre-rapport ce même mercredi 20 février. Pour lui, le système carcéral français est « le plus laxiste au monde » et Christiane Taubira est favorable à « l’impunité pour tous ».

Le système carcéral français est-il « le plus laxiste au monde » ?

Dans son contre-rapport, Nicolas Dupont-Aignan estime que les propositions de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive sonnent comme une « démission de l’État en matière de sécurité ». Il fait l’éloge du tout-prison en jugeant que la France a « le système carcéral le plus laxiste au monde ». Il en veut pour preuve le taux d’incarcération français – un bon indicateur bien que non suffisant –, qui serait « parmi les plus bas d’Europe ».

La France a un taux d’incarcération égal à 103,1, d’après les derniers chiffres publiés par le Conseil de l’Europe datant de septembre 2009. C’est-à-dire que pour 100 000 habitants, un peu plus de 103 personnes sont emprisonnées. La moyenne européenne se situe à 109,4. Il est donc vrai que la France est en légèrement en-deçà de celle-ci. Pour autant, elle est loin d’afficher le taux d’incarcération le plus bas du Vieux continent. Plus précisément, on peut considérer que deux groupes de pays européens se distinguent en fonction de leur taux d’incarcération (par rapport à la médiane) : ceux qui emprisonnent le moins, entre la Finlande, qui a le taux le plus faible à 67,4 et l’Allemagne qui atteint 89,3 ; et ceux qui emprisonnent le plus – de la Grèce à 98,4 à la République Tchèque, qui affiche le taux d’incarcération le plus élevé à 210,4. Contrairement à ce qu’affirme Nicolas Dupont-Aignan, la France se situe ainsi parmi les pays qui emprisonnent le plus, son système carcéral n’est donc pas le plus laxiste d’Europe ni même du monde.

Christiane Taubira chantre de « l’impunité pour tous » ?

Dans son contre-rapport, Nicolas Dupont-Aignan prend le contrepied complet des mesures envisagées par la conférence de consensus en une opposition frontale : « À l’impunité pour tous de Christiane Taubira, j’oppose l’impunité zéro pour les délinquants », déclare-t-il dans une interview donnée au Figaro.

Christiane Taubira ne s’est pas exactement déclarée en faveur de l’impunité pour tous mais a envisagé d’autres pistes que la prison. Pour autant alternative ne rime pas avec impunité. Plus précisément, la ministre de la Justice a commandé une réflexion afin d’évaluer la récidive, ainsi que la meilleure réponse à apporter pour la prévenir. Le point de départ de cette réflexion a été la remise en cause de l’efficacité de la peine de prison pour limiter la récidive. Les experts s’appuient sur l’une des seules études que l’administration pénitentiaire a menée sur le thème de la récidive. En 2002, 5 ans après leur libération, 60% des détenus sont à nouveau condamnés lorsqu’ils n’ont pas bénéficié d’un aménagement de peine. Ils ne sont que 23% quand ils ont joui d’une libération conditionnelle. En outre, la récidive est en constante augmentation ces dernières années, et ce malgré les lois adoptées pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, notamment celle prévoyant les peines planchers en 2007 ou celle sur la rétention de sûreté en 2010. Tout ceci semble montrer que la prison n’est pas efficace pour lutter contre la récidive et n’offre qu’une sécurité provisoire.

Pour l’expliquer, les experts estiment que les conditions de détention aggravent les risques de récidive, faute d’un suivi adéquat. Pour eux, il s’agit d’améliorer le parc pénitentiaire avant d’augmenter les places de prison. Nicolas Dupont-Aignan réclame lui la construction de 20 000 places de prison supplémentaires, pour atteindre 80 000 places, comme en Grande-Bretagne ou en Allemagne – qu’il prend comme modèles en la matière – quand la France en a 57 000. Ce serait là la solution du président de Debout la République au problème de surpopulation carcérale dont souffre la France. Avec, au 1er décembre 2012, 67 674 détenus pour 57 000 places de prison, la France a un taux d’occupation supérieur à 120%. En n’avançant que des chiffres, il n’envisage pas un meilleur suivi des prisonniers, c’est pourtant l’une des clés de la réinsertion envisagée par la conférence de consensus. Parmi ses propositions, la création d’une peine de probation qui consiste en une peine effectuée en milieu ouvert assortie d’un accompagnement en vue de la réinsertion. Au contraire, pour Nicolas Dupont-Aignan, « la prison est la première étape de la réinsertion ».

Ce sont donc bien deux visions de la prison qui s’affrontent. L’une en faveur du tout-prison vu dans sa dimension dissuasive, l’autre plus globale dans laquelle la prison a sa place aux côtés d’autres réponses. Dans le débat actuel, cette dernière a le mérite de se baser sur des expertises et des réflexions, davantage que Nicolas Dupont-Aignan qui agite des chiffres et promet des durcissements de la politique pénale sans prendre la peine d’expliquer en quoi cela serait efficace.

Camille Laurent

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