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Manuel Valls : « Les roms ne souhaitent pas s’intégrer pour des raisons culturelles » – Objection!

Par   /   6 mai 2013  /  


Dans un entretien accordé au Figaro le 14 mars 2013, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls déclarait à propos des roms en France :

«Cela ne peut concerner qu’une minorité car, hélas, les occupants de campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution ». Ainsi, le locataire de la Place Beauvau estime que les roms n’ont pas leur place en France. Mais pour quelles « raisons culturelles ? »

Objection !

Les propos de Manuel Valls sur les roms ont suscité un tollé auprès d’associations comme la Fondation Abbé Pierre ou Emmaüs. Et pour cause : en généralisant à tous les roms un manque de volonté d’intégration, le ministre Manuel Valls s’est vu accusé de propos racistes, comme le souligne Benjamin Abtan de SOS Racisme, pour qui « Quand Valls explique que les Roms, pour des raisons culturelles ne sont pas intégrables, c’est une déclaration raciste qui est extrêmement claire. Et c’est une déclaration raciste qui ne vient pas par hasard, parce qu’elle vient avant et après des expulsions extrêmement violentes, médiatisées, avec une instrumentalisation de ces populations »,  ajoutant « les stéréotypes sur les Roms n’ont pas changé avec le changement de majorité ».

Une forte discrimination

Même son de cloche du côté de Philippe Goossens, membre du bureau de l’AEDH, qui observe que le gouvernement socialiste actuel poursuit la même politique en matière d’immigration des Roms que le gouvernement précédent, alors que François Hollande, avant d’être président, avait considéré la circulaire Guéant comme « immoral et illégal ». Dans son rapport sur le recensement des évacuations forcés de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France pour l’AEDH (Association Européenne pour la Défense des droits de l’Homme) , l’avocat recense que le nombre de personnes évacuées durant le premier trimestre 2013 est en forte augmentation comparé à celui du premier trimestre 2012. Par exemple, au cours du premier trimestre 2013, 2 873 personnes Roms ont été rapatriées de force contre 2 153 lors du premier trimestre 2012.

L’avocat estime que les évacuations forcées dont sont victimes les Roms violent impunément les lois européennes, notamment la Charte européenne révisée des droits sociaux. En effet, en tant que ressortissants européens, statut juridique qui concernent la majorité des Roms en France, ils ont vocation à se voir reconnaître les mêmes droits que tout citoyen européen en France.. Une situation qui est loin d’être le cas.

Des difficultés d’intégration réelles dues à des politiques discriminantes

Manuel Valls n’a pas tout à fait tort lorsqu’il mentionne les difficultés d’intégration des Roms en France. En revanche, cette situation ne découle pas d’un manque de volonté comme le suggère le ministre, mais de lois stigmatisantes rendant l’accès à l’emploi plus compliqué pour les Roms. En effet, lors de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union Européenne en 2007, l’emploi des ressortissants de ces pays a été restreint en France, ayant pour but d’empêcher un afflux majeur de Roms, souvent (mais pas exclusivement) originaires de ces pays. Ces mesures transitoires prendront fin en décembre 2013 : elles prévoyaient l’emploi de Roumains et Bulgares dans seulement 150 métiers dits « en tension » comme le bâtiment ou la restauration. En outre, l’employeur qui veut les embaucher doit s’acquitter d’une taxe au près de l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration), ce qui dissuade fortement l’embauche. De plus, les ressortissants de ces pays n’ont pas accès au logement social en France, ce qui pousse à la création de véritables bidonvilles en région parisienne notamment. Ces habitats ne s’expliquent pas par des « raisons culturelles » comme le suggère Manuel Valls mais une grande pauvreté.

Depuis septembre 2012, le préfet Alain Régnier est devenu délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, ce qui lui a valu le surnom de « préfet des Roms ». Il évalue le nombre de Roms à 20 000 en France, dont un tiers d’enfants, ce qui est relativement peu si on considère qu’ils sont près de 900 000 en Espagne et  environ 2,5 millions dans l’Union Européenne. Il considère que contrairement aux gens du voyages, les Roms ne sont pas itinérants, contrairement aux croyances populaires. Ainsi, comme la plupart des migrants, les Roms viennent en France pour fuir la misère de leur pays d’origine, ce qui écarte toute « spécificité culturelle ».

« Les Roms », un vocable flou

Bien qu’historiquement, les Roms soient un peuple nomade venu d’Inde, ils sont aujourd’hui largement sédentarisés et ont la nationalité du pays d’accueil.

En réalité, il y aurait actuellement en France entre 350 000 à 500 000 Roms, dont la quasi totalité est de nationalité française, donc bien loin du nombre officiel annoncé.

Le vocable « Roms » ne désigne pas les mêmes personnes en fonction de qui l’emploie. L’Union européenne utilise le terme de « Roms »  qui signifie «homme» en hindi en «référence à divers groupes d’individus qui se décrivent eux-mêmes comme Roms, Gitans, Gens du voyage, Manouches, Ashkali, Sinti, etc.».

Cette incertitude quant à la réalité des Roms invalide complètement les propos de Manuel Valls : comment établir que les Roms ne veulent pas s’intégrer pour des raisons culturelles, dès lors qu’il n’existe pas de pratiques culturelles communes à l’ensemble des personnes désignées sous ce vocable ?

Claire Estagnasié

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  • Date de publication: 6 mai 2013, 3:48
  • Mis à jour le: 30 janvier 2014, 6:52
  • Rubrique: Objections

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