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Tribune de Loïk Le Floch-Prigent

Par   /   10 janvier 2013  /  


Loïk Le Floch-Prigent, 69 ans, ancien président de la société Elf-Aquitaine, a été arrêté le

15 septembre 2012 à Abidjan et remis aux autorités togolaises suite à une plainte déposée
pour escroquerie par un homme d’affaires émirati nommé Abbas AL Youssef avec lequel
Loik Le Floch-Prigent avait été associé dans différentes entreprises pétrolières. Il est détenu
depuis lors à la gendarmerie de Lomé. Compte tenu de son état de santé, ses avocats comme
le quai d’Orsay n’ont eu de cesse de réclamer, sans succès, son rapatriement en France
pour des raisons sanitaires. Au lieu de cela, la justice togolaise réclame le versement d’une
caution fixée à 6.000.000 dollars que l’intéressé n’a pas pu réunir. Il s’exprime pour la
première fois sur son affaire à travers la tribune libre qu’il nous a adressée.


Aux bons soins du site « presumeinnocent.com ».

Lomé, le 1er janvier 2013

Madame, Monsieur,

Depuis mon « arrestation » le 15 septembre dernier, bien que je me sois trouvé réduit au silence, il s’est dit ou écrit sur mon compte à peu près tout ce qui est concevable par l’imagination humaine : je serais un milliardaire, un fuyard, un escroc international, un malade imaginaire, parfois tout cela à la fois. C’est la raison pour laquelle j’ai saisi l’opportunité qui m’a été offerte par votre site, de m’exprimer pour la première fois sur cette « affaire togolaise » en espérant à tout le moins être entendu si ce n’est cru.

En premier lieu, je n’ai évidemment jamais participé à la moindre escroquerie contre celui qui est aujourd’hui plaignant, Abbas Al Youssef, qui fut mon ami et mon partenaire avant qu’il ne se lance à corps et à fonds perdus dans une rocambolesque chasse aux trésors présumés de dictateurs disparus, à laquelle il a voulu me mêler et dont il voudrait maintenant que j’assume la responsabilité.

Je le proclame solennellement : je n’ai rien à faire dans cette affaire ! Pis, j’ai été arrêté à la suite d’un mandat truqué me présentant comme étant en fuite alors que chacun, de M. Al Youssef aux autorités togolaises et françaises connaît mon adresse en France où il aurait suffit de m’envoyer une simple convocation. Surtout, ce n’est qu’en versant des pots de vin à Abidjan que mon arrestation puis ma remise au Togo n’a été possible. De tout cela, la justice française est aujourd’hui saisie.

Depuis, je suis détenu sur le fondement d’un dossier vide auquel ni moi ni mes avocats n’avons pu avoir accès, pour des charges que nous ne connaissons même pas ! Je tiens à rappeler que toutes les affaires de prospection minière ou pétrolière que nous avons menées avec M. Al Youssef au Canada, au Mali ou au Congo étaient éminemment sérieuses et auraient été hautement profitables si M. Al Youssef ne les avait pas délaissées, bradées ou abandonnées au profit des chimères dont il se plaint à présent.

Il faut surtout rappeler que la légalité de l’opération poursuivie par Al Youssef, qui est à l’origine de ses déboires, était plus que douteuse, ce qu’il a admis dans ses déclarations en la qualifiant lui même de blanchiment et en indiquant dans sa déposition devant les autorités togolaises qu’il versait en toute connaissance de cause l’essentiel des fonds à des intermédiaires en vue de corrompre. En tout état de cause, je n’ai eu vent de tout cela que par son fait et sur son insistance.

De quoi s’agissait-il exactement ?

Pensant réaliser une juteuse opération, M. AL Youssef s’est adonné – selon ses propres dires - à une vaste opération de corruption d’agents et de personnalités du Togo et du Ghana par l’entremise de deux personnes que je ne connaissais pas, dans le but de récupérer quelques 275.000.000 dollars prétendument laissés au Togo par feu le Général Guei ancien dirigeant de la Côte d’Ivoire assassiné en 2002. Evidemment, cette histoire était inventée de toutes pièces ce qu’il n’apprendra que bien plus tard, et moi avec lui, après avoir dilapidé des sommes considérables.

Je n’ai rencontré les interlocuteurs de Al Youssef – qui se révèleront être des aigrefins – qu’à sa demande, en 2008, parce que ces derniers ne parlaient pas l’anglais et que lui même ne connaissait pas l’Afrique.

J’étais plus que réticent à délaisser mes activités au Congo mais je n’ai pas eu d’autre choix que d’obtempérer car M. Al Youssef, qui était l’unique bailleur de fonds de nos entreprises, ne versait plus d’argent ce qui mettait à mal nos projets. J’ai donc accepté à contrecœur de me déplacer au Togo, de rencontrer ces personnes, et de servir, pendant un temps très limité, d’interprète à leurs échanges.

Je n’ai jamais opéré ou perçu le moindre versement de leur part ou à leur profit, ce qui n’est pas contesté. Ce qui se révèlera finalement être une vaste escroquerie et qui avait été initié sans moi, s’est poursuivi sans mon concours avec les propres enfants de M. Al Youssef et ce, alors que je me trouvais incarcéré à Fresnes à cause des suites de l’affaire Elf.

Surtout, si l’on en croit les dires de M. Al Youssef, l’essentiel de son préjudice a été causé lorsque les mêmes personnes lui ont fait miroiter la possibilité de mettre la main sur le trésor caché de Saddam Hussein au Ghana sans aucune sorte d’implication de ma part. N’importe quelle personne sensée qui consacrerait cinq minutes à ce dossier se rendra compte qu’il se heurte en ce qui me concerne non seulement à la vérité mais encore au bon sens.

Cependant, ce n’est pas tout d’être innocent.

Je suis malade et désargenté et je ne pensais pas que ces qualités, qui sont peu enviables, pourraient m’être contestées. Tous les médecins qui m’ont examiné, qu’ils soient français ou togolais, ont attesté que je me bats contre un cancer de la peau qui gagne jour après jour sur ma jambe, qui m’empêche de marcher et de dormir et qui entraînera au mieux une amputation si je ne suis pas soigné dans les plus brefs délais.

Bien que mon état de santé soit alarmant et que je ne dispose d’aucun bien ou argent, la justice togolaise continue de me réclamer six millions de dollars pour me permettre de me soigner. Il est acquis que je ne dispose pas du centième de cette somme, pourtant on exige de moi cette forme de rançon dans l’indifférence générale comme si ma santé était une alternative et non la condition nécessaire à la manifestation de la vérité.

Tout ce que j’ai écrit ici est aisément vérifiable. Je ne demande rien d’autre que cela soit vérifié.

S’agissant des faits de corruption dont je suis aujourd’hui la victime, j’aimerais que la justice de mon pays enquête – avec la détermination dont elle a fait preuve lorsque il s’était agi de me juger sévèrement dans le cadre de l’affaire Elf -, sur un système que je n’avais pas mis en place et qui ne m’a pas enrichi personnellement.

Je souhaite pour finir que l’on n’oublie pas qu’avant d’emplir la chronique judiciaire, j’ai été toute ma vie durant un serviteur de l’Etat et même la seule personne à avoir dirigé quatre grandes entreprises nationales (Rhône-Poulenc, Elf, GDF, SNCF), nommé par des majorités de gauche et de droite, pour le plus grand bénéfice de ces sociétés et de leurs salariés.

L’éthique républicaine qui ne m’a jamais quitté, me conduit à formuler pour seul vœu d’être traité à égale dignité avec toute autre personne qui se trouverait dans ma situation à mon âge : ni avec plus d’égards en raison de mes fonctions passées ; ni avec moins de considération pour une condamnation dans une autre affaire pour laquelle j’ai déjà payé un lourd tribut.

Certains objecteront que c’est la moindre des choses. J’ajouterai simplement que ce sera amplement suffisant pour faire admettre mon innocence et recouvrer ma liberté, ma santé et ma famille.

Loïk Le Floch-Prigent

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