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D comme Détention provisoire

Par   /   6 février 2013  /  


Par Gustave Charvet, Avocat à la Cour -

Une exception à la Liberté. Corollaire de la présomption d’innocence, la Liberté subit les mêmes attaques, les mêmes atteintes, les mêmes violences légalement organisées. 

La détention provisoire consiste à priver un individu, devenu prévenu ou mis en examen, de sa Liberté alors même qu’il est toujours, évidemment, présumé innocent. De fait, les menottes aux poignets, les chaussures sans lacets, la présence de gendarmes ou de policiers à ses côtés font que le présumé innocent ressemble de plus en plus au coupable. 

Ce serait toutefois faire part autant d’angélisme que de naïveté que de contester le principe même de la détention provisoire. Bien sûr l’infraction doit cesser, bien sûr la société doit être protégée. Le législateur a donc, heureusement, encadré strictement tant les conditions que les formes de cette atteinte à la Liberté du présumé innocent.

Les critères. - Conserver les preuves et indices ; - Empêcher les pressions sur les témoins et victimes ; - Empêcher les concertations frauduleuses entre complices ; - Protéger la personne mise en examen ; - Garantir son maintien à la disposition de la Justice ; - Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ; - Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public.

Tels sont les critères justifiant, en théorie, la détention provisoire. Leurs définitions, leur appréciation mais surtout leur réalité restent cependant particulièrement floues.

Ainsi, il est courant que l’ordre public se confonde avec l’opinion publique, voire d’un public.

De même, il est « amusant » d’invoquer le risque de concertation frauduleuse pour justifier une détention quand les deux mis en examen partagent la même cellule…ou encore « innovant » le risque de pression sur les témoins quand il n’en existe aucun…la protection du mis en examen est tout aussi « cocasse » lorsqu’on connait la réalité des maisons d’arrêt françaises…

Les délais. Pour le mis en examen, la règle est simple : sa détention provisoire en matière correctionnelle peut durer quatre mois et un an en matière criminelle.

Mais, que d’exceptions confirment cette règle. Dans certains cas, en fait quasiment tous, ces quatre mois peuvent être renouvelés une première puis une seconde fois. Sans que la détention, toujours provisoire, dépasse un an.

Cette exception souffre elle aussi d’exceptions, là encore fort fréquentes, pour atteindre les deux ans. Voir deux ans et quatre mois pour une exception, bien sûr, encore plus exceptionnelle…

Selon la même logique, en matière criminelle, le détenu provisoire verra, traditionnellement, sa détention d’un an prolongée par « tranches » de six mois pour dépasser parfois les quatre ans avant d’être jugé par une Cour d’assises.

La forme. Depuis l’an 2000, ce n’est plus le Juge d’instruction qui gère la détention provisoire de « son » mis en examen. Le législateur a souhaité un double regard en créant le Juge des Libertés et de la détention, le JLD, qui pourra, seul, après un débat entre le Procureur de la République, le mis en examen et son Avocat choisir d’user ou non de la détention provisoire.  

La décision du JLD, quelle qu’elle soit, est susceptible d’appel. Le contrôle est alors exercé par la Chambre de l’instruction.

Le caractère exceptionnel de la détention provisoire est ainsi garanti par une « chaine de contrôle ». En théorie… Le risque de mise en œuvre de la mécanique du « si le collègue le dit…» est important, réel et malheureusement fréquent.

Un contrôle n’est efficace que s’il est sincèrement et réellement exercé. La publicité du débat et de l’éventuelle audience d’appel est un autre contrôle. Un contrôle limité, à Paris en tout cas, la publicité est systématiquement écartée tant devant le JLD qu’en appel. Certains Tribunaux et Cours respectent scrupuleusement la publicité, d’autres choisissent d’ouvrir la porte…sur un couloir interdit au public !

Multiplier les regards, belle idée. Sans les œillères.

Une réalité. Sur plus de 67 700 détenus occupants les 59 953 places des prisons françaises, près de 30% sont en détention provisoire. En attente de renvoi, de condamnation, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.  Dans les trois derniers cas, le « choc carcéral » subit par ces innocents, qui auront cessé de n’être que présumés, pourra être indemnisé, bien mal et bien tardivement.

Après tout, ce n’était que provisoire.

Gustave Charvet, Avocat à la Cour

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