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C comme Cour d’Assises

Par   /   7 février 2013  /  


Par Rachel Lindon, Avocat à la Cour -

La Cour d’Assises est compétente pour juger des crimes, tentatives de crimes, et complicité de crimes, c’est à dire les infractions les plus graves, celles passibles de réclusion criminelle (de 10 ans à perpétuité), telles que le meurtre, le viol, le vol avec arme, entre autres. Elle est saisie par ordonnance de mise en accusation d’un magistrat instructeur, qui à la vue des éléments de l’enquête, considère qu’il existe des charges suffisantes contre le mis en examen. Son arrêt peut faire l’objet d’un appel, depuis la réforme du 15 juin 2000.

Composition. Elle est LA juridiction en France composée de jurés, constituant ainsi le jury, c’est à dire de simples citoyens âgés de plus de 23 ans, choisis au hasard sur les listes électorales.

La Cour d’Assises se compose de 3 magistrats professionnels (un président et deux assesseurs) et de 6 jurés en première instance (9 en appel) depuis la réforme du 10 août 2011.

Le Ministère Public (le Parquet) est représenté par l’Avocat Général, membre du parquet. Il défend les intérêts de la société et demande l’application de la loi. Il soutient l’accusation, avec plus ou moins de cœur (il est lié par sa hiérarchie, et peut parfois paraître ne pas en suivre l’opinion), et propose une peine, ou requiert l’acquittement (de la même manière, dans les dossiers médiatiques, il semblerait qu’il ne soit parfois que le pantin de sa « hiérarchie »).

L’audience. L’audience débute par le choix des jurés, tirés au sort par le Président, qui composeront le jury. La défense, la plupart du temps par la voix de ses conseils, peut récuser quatre personnes, l’Avocat Général, trois (respectivement cinq et quatre en appel).

Les récusations n’ont pas à être justifiées. En possession de la liste des jurés (liste qui inclut leur noms, prénoms, dates de naissance, lieu de naissance et profession), il est possible que des critères tels que la profession soient pris en considération (ex. un banquier pourrait être récusé par la défense, lorsque des faits de vols avec armes dans une banque sont jugés) ou des considérations beaucoup plus subjectives, et parfois moins louables….

Les jurés, une fois choisis, prêtent serment de « ….n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de (se) rappeler que l’accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de (se) décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant (leur) conscience et (leur) intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre….. » (article 304 du Code de Procédure Pénale).

Les débats, dont la durée est décidée en amont, par le Président, sont menés par ce dernier.

Les faits et la personnalité sont étudiés : à cette fin, il est procédé à l’audition des accusés, des parties civiles, des experts (entre autres, psychologues et psychiatres, dont les expertises sont obligatoires en matière criminelle), des témoins (policiers ayant procédé à l’enquête, témoins des faits, témoins de personnalité tels que membres de la famille de l’accusé…), témoins qui peuvent être cités à la demande de la défense ou du parquet, ou entendus en vertu du pouvoir discrétionnaire du président.

L’ordre des questions posées aux personnes entendues, tout comme des plaidoiries est toujours identique : la Cour, la Partie Civile, le Parquet, puis la Défense, la défense ayant toujours la parole en dernier.

L’audience se clôture par les derniers mots des accusés : aux termes de ceux ci, le président, les deux assesseurs et les jurés se retirent pour délibérer. Ils ne peuvent sortir de la salle des délibérés qu’après avoir pris leur décision, par un vote à bulletin secret, le secret des délibérations demeurant un principe, une fois leur fonction terminée.

Le délibéré. Ils se prononcent alors sur la culpabilité : une majorité de six voix (huit en appel) est nécessaire pour toute décision défavorable à l’accusé (les bulletins blancs ou nuls sont favorables à l’accusé).

Si l’accusé est déclaré non coupable, il est acquitté.

S’il est déclaré coupable, il est alors statué sur la peine. La décision est prise à la majorité absolue des votants, c’est à dire au moins cinq voix (sept en appel). La Cour d’Assises peut prononcer des peines de réclusion à perpétuité ou à temps, ferme ou avec sursis, des peines d’amende et des peines complémentaires.

S’il existe des victimes, l’audience sur les intérêts civils se déroule après le délibéré, en présence uniquement des magistrats professionnels. Depuis la réforme du 10 août 2011, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, la Cour d’Assises doit motiver sa décision. La CEDH a considéré que l’absence de motivation dans certaines espèces, absence qui était antérieurement la règle, pouvait constituer une violation du droit à un procès équitable, le condamné ne pouvant comprendre le verdict (CEDH, 10 janvier 2013, AGNELET contre France).

La réalité. Très souvent, des crimes sont requalifiés par le juge d’instruction, après accord de la partie civile, en délits : c’est ce qui s’appelle la « correctionnalisation ». Ainsi, la personne est jugée dans un délai beaucoup plus bref, pour une infraction qui lui fait encourir une peine maximale moins lourde (exemple fréquent : viol requalifié en agression sexuelle). Cependant, l’audience correctionnelle évoque l’intégralité des faits, ceux là mêmes qui auraient pu constituer des crimes,  et juge un homme en un laps de temps très bref, pour des faits très graves. Le mis en cause se réjouit souvent de cette requalification, mais la pratique démontre que le temps de la Cour d’Assises, qui permet de juger en toute connaissance de cause tant sur les faits que sur la personnalité, rend une justice plus longue certes, mais plus équitable,  le temps permettant de comprendre l’homme, dans son ensemble et pas seulement dans son méfait.

La réforme du 10 août 2011 a réduit le nombre de jurés populaires, qui était initialement de 9 en première instance (12 en appel).

Alors que l’on réduisait le nombre de ceux qui représentaient le peuple français, en Cour d’Assises, augmentant ainsi le poids des magistrats professionnels, il était dans le même temps envisagé d’intégrer des jurés populaires en correctionnelle (réforme qui semble aujourd’hui morte née), dans l’objectif d’impliquer davantage les citoyens dans le processus judiciaire, et moins officiellement dans l’objectif d’une répression plus vigoureuse (la pratique semble avoir démontré l’inverse).

Il est donc regrettable que le nombre de jurés ait été réduit en Cour d’Assises, alors même qu’effectivement les citoyens étaient alors davantage impliqués dans ce processus judiciaire particulier, et la justice rendue véritablement au nom, et par la voix, du peuple français.

Cela l’est d’autant plus que le Président de la Cour, arbitre et acteur, a un rôle central, dont le poids s’est encore accentué.

Il confère immédiatement la tonalité au procès : dans son rapport initial, lu après la constitution du jury, alors qu’il est le seul à avoir pris connaissance en amont de l’entier dossier, dans la construction du calendrier (la personnalité avant ou après les faits), dans l’ordre des témoins, dans les questions qu’il pose, en premier… Il se doit d’être impartial, mais peut avoir été magistrat du Parquet avant d’avoir été au siège, connaît l’Avocat Général, avec qui il partage une même session d’assises, c’est à dire plusieurs procès d’affilée, et porte la même robe que son condisciple….Comme le disait Dominique COUJARD, ancien Président de Cour d’Assises : « l’arbitre ne (devrait) pas porter le maillot d’une des équipes sur le terrain ».

Enfin, la position du Parquet peut sembler rompre le principe d’égalité devant la Cour d’Assises : non seulement, l’Avocat Général est surélevé par rapport aux parties privées, et se situe au même niveau que la Cour et le Jury (une erreur de menuisier probablement) mais encore l’Avocat Général se retire derrière la salle d’audience, en même temps que la Cour, dans un bureau jouxtant celui du Président : les jurés pourraient penser qu’une telle proximité signifie que sa parole est plus importante que celle des avocats, ces baveux, sur qui le regard doit être baissé, et qui se trouvent à proximité d’un box d’accusés menottés.

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