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Roger Karoutchi, sénateur UMP et ancien Ministre, évoque une explosion de la violence dans les transports

Par   /   15 avril 2013  /  


« Trafic interrompu à St.Lazare suite à l’agression d’un conducteur ; agents SNCF et usagers pâtissent  de l’explosion de la délinquance dans les transports.. » (R. Karoutchi, Twitter, 13 avril 2013)

Les faits divers hauts en couleurs stimulent toujours l’imagination des hommes politiques. L’émotion suscitée provoque l’emphase dans la déclaration, et Roger Karoutchi, tout comme Jean-Marc Ayrault, n’en n’est pas exempt.

Ainsi la spectaculaire attaque du RER D le 16 mars dernier, qui fait penser aux attaques de diligences du grand-Ouest d’antan, a t-elle arraché au vice-président de l’UMP cette formule « explosive ».

La violence dans les transports est une réalité, et l’Île-de-France est le territoire le plus touché. De part la densité et la longueur de ses réseaux ferrés, elle est la région la plus logiquement exposée, et constitue un véritable laboratoire pour la sociologie des transports urbains. C’est également la zone géographique pour laquelle nous disposons du plus de chiffres, et le territoire politique de M. Karoutchi.

Une forte baisse de la violence entre 2002 et 2007

La réserve principale à apporter à la déclaration du sénateur des Hauts-de-Seine porte sur le terme « explosion ». L’utilisation de ce mot suppose une récente et franche augmentation de la violence dans les transports. Et si le fait divers de Grigny est d’une rare violence, il n’en reste pas moins un fait isolé qui n’a pas force de statistique. Ces dernières, d’ailleurs, n’avalisent pas les dires de Roger Karoucthi.

Selon les chiffres de la Préfecture de Police de Paris, qui datent un peu, les faits constatés dans les réseaux ferrés parisiens entre 2002 et 2007 ont baissé de 42,2%. Si l’intéressé fait également référence à une période plus récente, il n’en reste pas moins que cette période pas si lointaine a vu la violence dans les transports chuter de manière impressionnante. « L’explosion » de la violence serait donc un fait très récent et relative aux chiffres de 2007, exceptionnellement bas.

Des chiffres par nature fluctuants

Les années suivantes suivent une courbe plutôt ascendante, particulièrement en ce qui concerne les vols avec violence. C’est ce que la Police appelle « l’effet Iphone », ce Smartphone représentant en 2010 pas loin de 30% du total des objets volés. L’explosion de ce fait précis a forcément influé sur les chiffres globaux, alors que les autres faits, s’ils ont pu augmenter, n’ont vu aucune rupture significative dans leur évolution.

 

Ces mêmes vols avec violence qui avaient brusquement augmenté en 2010 ont, selon la préfecture de police de Paris, sensiblement diminué depuis septembre 2011. « L’effet d’aubaine » des smartphones s’étant estompé (bien qu’ils représentaient 45% des vols avec violence constatés dans les transports à paris), et la réponse préventive et répressive s’étant adaptée à la spécificité de ce nouveau phénomène, les faits régressent.

Ces très amples fluctuations laissent à penser que les chiffres sur la délinquance dans les transports sont par nature très variable, et qu’à une « explosion » peut rapidement succéder une « accalmie ».

Roger Karoutchi évoque également l’explosion des agressions contre les personnels RATP et SNCF. C’est même l’origine de sa saillie. Ne disposant pas des derniers chiffres, constatons tout de même que, sur la période 2002-2011, les statistiques ne corroborent pas cette affirmation.

Les atteintes subies par les agents ferroviaires dans toute la France n’ont que très sensiblement augmenté, (courbe jaune), quand ceux touchant les personnels travaillant en Île-de-France ont même diminué (courbe bleue).

Les autres facteurs

Au-delà des chiffres bruts, on peut se demander dans quelle mesure l’amélioration de la sécurisation des transports en commun contribue à améliorer le recensement des faits de délinquance par les opérateurs de transport.

M. Karoutchi, par ses termes, contribue a exploité le sentiment de peur qui étreint chaque jour un peu plus les franciliens – et les Français. Les enquêtes de victimation montrent en effet une augmentation sensible du sentiment de la peur qu’ont les franciliens d’être agressés dans les transports, alors que dans le même temps, très peu ont effectivement subi une atteinte. Ces derniers sont d’ailleurs en nette diminution.

Comme expliqué dans une « note rapide » de l’Observatoire national de la délinquance dans les tranports (ONDT) : « La peur ne dépend, effectivement, pas seulement de l’expérience directe de victimation, mais aussi par exemple des caractéristiques des individus ainsi que des facteurs environnementaux. » Sous-entendu : les déclarations politiques et la médiatisation de faits divers atroces.

 

Julien Mucchielli

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