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P comme Perquisition au cabinet d’avocats

Par   /   20 mars 2013  /  


Par Vincent Nioré, Avocat à la Cour, délégué du Bâtonnier du Barreau de Paris

La loi n° 2005-15-49 du 12 décembre 2005 a renforcé les droits de la défense et la protection du secret professionnel, si bien qu’il a été expressément prévu que les perquisitions, au cabinet ou au domicile d’un avocat, ne pourraient être effectuées que par un magistrat et en présence du Bâtonnier ou de son délégué, à la suite d’une décision écrite et motivée prise par ce magistrat indiquant la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci.

Le magistrat instructeur ou le représentant du Parquet en charge de la perquisition a l’obligation de porter cette décision dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué.

Seuls le bâtonnier ou son délégué, et le magistrat, ont le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie, à l’exclusion des enquêteurs.

Le magistrat qui effectue la perquisition doit veiller à ce que les investigations conduites « ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat ».

La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, concernant la garde à vue et l’enquête de police judiciaire (article 45), a permis au Bâtonnier d’avoir désormais un rôle « plus actif, puisqu’il peut s’opposer à ce qu’un document fasse l’objet d’une saisie s’il estime celle-ci irrégulière ».

Il a été ainsi prévu que le document litigieux devait être alors « placé sous scellés fermés », ce placement faisant l’objet d’un procès-verbal spécifique non versé au dossier et « transmis au magistrat chargé de statuer sur cette contestation ».

À compter du 1er janvier 2001, le juge des Libertés et de la Détention est ainsi devenu le juge du secret professionnel.

Pour la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la perquisition en cabinet d’avocat constitue une « ingérence » dans le « domicile »  que constitue le cabinet d’avocat destinée à permettre d’apporter la preuve de la commission par l’avocat d’une infraction et dès lors de porter atteinte au secret professionnel dont le Bâtonnier ou son délégué est le garant par sa présence qualifiée par la CEDH de « garantie spéciale de procédure ».

Elle doit être « proportionnée » au but poursuivi ainsi que le juge la CEDH qui distingue contrairement au droit interne, l’avocat contre lequel n’existe antérieurement à la perquisition aucun indice de sa participation à la commission d’une infraction de celui contre lequel existent ces mêmes indices.

Le délégué du Bâtonnier doit inlassablement rappeler en pratique au magistrat que le secret professionnel n’est pas réservé à l’activité judiciaire ou de défense et que la protection liée au secret professionnel s’étend à l’ensemble de l’activité d’avocat.

Or la perquisition en cabinet d’avocat, autrement dénommée ingérence ou intrusion, n’est jamais précédée d’une démonstration préalable de la participation de l’avocat à la commission d’une infraction si bien que tant l’autorité judiciaire que l’autorité administrative, se révèlent en pratique friandes d’informations qui, parce qu’elles sont logées au domicile ou au cabinet de l’avocat, doivent à raison de leur nature secrète, être systématiquement appréhendées.

La saisie des éléments (documents, objets, données informatiques dématérialisées) que le bâtonnier ou son délégué fait placer sous scellés fermés, est irrégulière en tant qu’elle constitue une violation pure et simple des règles régissant le secret professionnel de l’avocat, de la présomption d’innocence et des droits de la défense outre qu’elle est systématiquement disproportionnée par rapport au but poursuivi au sens où l’entend la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’homme.

En cette matière, la saisie irrégulière concerne trop fréquemment des faits absolument étrangers à l’avocat à aucun moment soupçonné d’avoir commis une infraction ou participé à une fraude quelconque en lien avec l’instruction.

Le Bâtonnier ou son délégué n’est pas le juge de son confrère.

Il a pour rôle non seulement la protection du secret professionnel mais aussi, à travers la contestation de l’irrégularité d’une mesure coercitive, la protection de la présomption d’innocence associée à un devoir universel d’humanité.

La contestation doit être impitoyable et  totale y compris pour les documents apparemment officiels car la nature des pièces saisies ne peut être débattue  que devant un juge déconnecté de l’enquête : le juge des libertés et de la détention (JLD). Et non lors de la perquisition où règne un climat de coercition. Il arrive aussi que le juge qui perquisitionne, renonce à une bonne partie de la saisie devant le JLD.

Le délégué du bâtonnier ne doit avoir aucun état d’âme, ne doit jamais se laisser impressionner et doit contester avec férocité, sans complaisance, ni connivence, de toutes ses forces la saisie en exigeant un placement sous scellés fermés de toutes les pièces couvertes par le secret professionnel que le magistrat instructeur ou le Parquet veulent saisir. Etant en charge d’une mission de protection des droits de la défense dans le cadre des prérogatives que lui confèrent les dispositions de l’article 56-1 du Code de procédure pénale, sa contestation a aussi pour fondement la protection de ceux-ci comme de la présomption d’innocence. Il doit donc faire noter au procès – verbal et réserver des causes de nullité pour miner la procédure.

Ainsi, le secret professionnel des avocats est régulièrement malmené pour être « d’ordre public, général, absolu et illimité dans le temps ».

L’administration fiscale, par des confidences qui m’ont été rapportées, ne cacherait pas ses ambitions de voir le secret professionnel de l’avocat purement et simplement disparaître et serait, dit-on, inquiète de nos combats pour sa protection. Certains magistrats instructeurs, en nombre restreint fort heureusement, ont exprimé un souhait identique dans certains dossiers.

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